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Une lionne
mai 2008
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Je suis un fauve au sang très chaud.
Je règne sur un territoire
Semé de terreur et d'espoir,
Aride avide assoiffé d'eau.Mon souffle roule mes épaules,
Mon ample poitrail décourage
Le guépard et le léopard,
Mon trot puissant hante les âmes…
Gare au flanc zébré qui s'égare,
A la gazelle qui s'attarde…
Lorsque je fends les herbes hautes
Le garrot fléchit sous mes crocs.
J'adore la chair fraîche et vive,
Broyer côtes et cartilages,
Arracher de tendres morceaux
De viande tiède et palpitante,Happer de succulents lambeaux,
Fouiller les entrailles fumantes,
Dévorer le cœur et les reins,
Partager de sanglants festins. -
Pour mes lionceaux, je suis patience,
Sévérité et indulgence.
Mue par une antique sagesse
Je trie taloches et caresses.Ils griffent, bondissent, rugissent
Rivaux ravis de découvrir
Le jeu, l'attaque et la victoire…
Demain déjà les au-revoirs.Repue de soleil je sommeille
Et songe aux mornes solitudes :
L’antre vidée de ses merveilles,
Ma force stérile inutile,La piste sèche et désertée…
A moins… d'oser la repeupler
De mâles farouches et lointains,
De belles sensuelles et douces,D'orphelins friands de câlins.
Puis-je naître à une autre faim ?
Emanent de mon arrière train
D'âpres et suaves parfums. -
Mon maître écrase mon échine !
Je me rebelle sous l'assaut.
Il s’accomplit puis se retire,
A peine ayant livré la vie.Je rêve d'une longue étreinte,
Intense, immense, délectable,
Libre, sauvage, redoutable,
Qui ne me laisse aucun répit…Je veux plonger mon regard d'ambre
Dans un miroir qui me défie ;
Accueillir au creux de mon ventre
Une croupe qui m’envahit ;
Lutter, combattre, résister,
Jouir jusqu'à l'épuisement,
Cueillir une coulée de lave
Jaillie d'une béante faille.Dans la nuée, le vautour plane,
L'envie rôde, le désir flambe,
L'orage éclate les nuages,
L'averse douche la savane.